• Un moyen sympa de réviser quelques notions de  philo : la morale, le devoir, la fin justifie-t-elle le moyens ?

     

    Jack Bauer est un agent fédéral américain, héros de la série 24 heures chrono, qui doit, en une journée, empêcher des terroristes de frapper les Etats Unis.

     

    Série d’action et de suspense, 24 heures chrono, pose également des questions philosophiques et morales, en effet son héros se trouve toujours confronter à des choix impossibles pour faire son devoir.

     

    Dans la saison 3, un terroriste menace de répandre un virus mortel à Los Angeles, si on ne lui livre pas, mort, le directeur de la cellule antiterroriste qui le poursuit. Jack Bauer exécute donc son chef d’une balle dans la tête. Il a certes conscience d’accomplir une mauvaise action, car il demande à Dieu de lui pardonner, mais pourtant, il n’hésite pas, car pour lui, son devoir est de sauver des milliers de vies.

     

    Dans la saison 7, il reconnaît avoir enfreint la loi en torturant un terroriste, mais se justifie en disant que cela lui a permis d’empêcher une bombe d’exploser dans un bus rempli d’enfants.

     

    La question est donc posée : peut-on tuer, torturer pour une bonne cause ? Jack Bauer fait son devoir : sauver des vies, mais ses actions sont-elles morales ? Jack Bauer est-il un héros ou un criminel ? car il emploie les mêmes moyens que ceux qu’il combat, seul le but est différent.

     

    Pour lui, tous les moyens sont bons pour accomplir sa juste mission : menace, torture, exécutions sommaires…Donc peut-on faire le mal, employer des moyens illégaux et immoraux,  pour aboutir au Bien, pour faire triompher ce qui est juste ? Bref la fin justifie-t-elle les moyens ?

     

    Pour Socrate, d’abord, on ne peut pas tout faire pour éviter une issue malheureuse :« Dans chaque situation périlleuse, il y a bien des moyens d’échapper à la mort, si on ose dire et faire n’importe quoi » (« Apologie de Socrate », Platon, IV° av.J.C)

     

    24-2 

    Pour le philosophe allemand Kant, la fin ne peut pas justifier les moyens. Dans les "Fondements de la métaphysique des moeurs» 1785, Kant dit que ce qui est bon n’est pas défini par son but, ni ses conséquences. Pour Kant, on doit faire le Bien pour le Bien, ni par intérêt, ni pour un but quelconque. Selon la morale kantienne, il faut agir de façon désintéressée, c’est à dire sans s’occuper des conséquences de ses actes.

     

    Mais qu’est ce qu’une bonne action pour Kant ? Ce n’est pas une action qui a un résultat positif. Pour Kant, comme pour Rousseau, l’Homme sait ce qu’est une action juste, car la conscience morale est innée.

     

    Kant précise qu’il suffit de se demander «peux tu vouloir que ta maxime devienne universelle » c’est à dire : quand je me demande ce que je dois faire, il faut que la solution que j’utilise puisse devenir un principe universel : ce que je veux pour moi actuellement doit être valable pour tout les autres tout le temps. C’est « l’impératif catégorique ».

     

    Donc quand Jack Bauer torture, pour que cette action soit juste, il faut qu’il pense que la torture doit être utiliser tout le temps avec tout le monde !

    Pour Kant, l’action du héros qui torture un terroriste pour sauver des vies est aussi mauvaise que celle du terroriste qui torture pour commettre des attentats, car la torture (ou le meurtre, ou le mensonge…) sont des actions mauvaises dans l’absolu.  Peu importe le but.

     

    Dans la saison 4, Jack Bauer capture un suspect qui connaît l’emplacement d’une bombe (nucléaire !) prête à exploser, mais qui refuse de parler, Jack s’apprête à le torturer, quand un avocat intervient et lui explique que c’est contraire à la Constitution, Jack lui répond « je respecte la Constitution mais ce sont des circonstances exceptionnelles »

     

    Mais Kant lui, dit le contraire, la règle morale, l’éthique, doit être valable pour tous les hommes en toutes circonstances, il n’y a pas d’exception à la loi morale (on peut d’ailleurs remarquer que les démocraties modernes condamne la torture quelque soit les circonstances).

     

     Mais pour Kant, il faut respecter l’Homme, en toutes circonstances, ce n’est pas une chose que l’ont peut utiliser, sacrifier, même pour une juste cause. Si on fait du mal à un homme on se fait du mal à soi même. C’est aussi ce que dit Platon dans le « Criton »

    Et c’est d’ailleurs ce qui arrive à notre héros, à la fin de la saison 4, la femme qu’il aime, le quitte, choquée part ses méthodes expéditives.

     

    Jack Bauer est donc un héros antikantien, il est en fait un symbole de la morale  utilitaire ou téléologique (de telos, le but en grec).

     

    Cette morale a été formulée par le philosophe anglais John Stuart Mill dans « L’Utilitarisme » 1861 : ce qui est juste et bien c’est ce qui est utile au bonheur de tous.

    Ce sont les conséquences qui permettent de juger l’action. Donc tous les moyens (même les pires) sont justifiés s’il s’agit d’augmenter le bonheur de tout le monde.

     

    La morale selon Mill, considère également le sacrifice d’un individu pour le bien du plus grand nombre, comme un devoir.

    Comme dit Jack Bauer, prêt à se sacrifier pour éviter des attentats dans la saison 6, « aujourd’hui je peux mourir pour quelque chose ».

     

    En cela Jack Bauer, est une représentation de la morale utilitariste, même si les conséquences pour notre héros sont celles décrites par Kant, puisque faire son devoir à n’importe quel prix le détruit peu à peu.

     

    Merci à Katia, ma collègue professeur de philo !

    Voir également pour plus de détails, le livre de Thibaud de Saint-Maurice « Philosophie en série » édition Ellipse


    http://i679.photobucket.com/albums/vv159/aspasie79/jack_green_gun-1.jpg

     

     

     

     


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  • Alors que les séries cultes des années 90, comme X files, concentre leur intrigue uniquement sur le territoire américain, 24 heures chrono a, de 2001 à 2010, dessiné une géopolitique mondiale,  reflet de l’état d’esprit d’une société américaine traumatisée par le 11/09.

     

    Même dans la 1° saison, qui ne traite pas de terrorisme, le sénateur noir Palmer n’est pas menacé par des racistes locaux, mais par des serbes plutôt furieux de l’ingérence américaine dans leurs affaires. On est donc, dès le début de la série dans une optique internationale.

    Pourtant la série se déroule intégralement aux Etats-Unis, sauf une rapide incursion au Mexique en saison 3, exception faite du téléfilm Rédemption situé en partie en Afrique et de la mini série 24 Live Another qui se déroule en Grande Bretagne.

    Et en plus, temps réel oblige, l’action de 24 heures chrono se concentre en un lieu unique : Los Angeles pour les saisons 1 à 6, puis Washington en saison 7 et à New York pour l’ultime saison. 

     

     

    Dans chaque saison, ces villes sont prises pour cibles par des ennemis extérieurs venant du monde entier : mexicains, turcs, tchétchènes, russes, iraniens, africains…24 heures chrono offre donc la vision paranoïaque d’une Amérique attaquée de toute part.

    Mais ces villes sont représentées de façon assez particulière : on y a soigneusement gommé tout caractère américain reconnaissable.

    La Los Angeles  des 6 premières saisons est dénuée de toutes vues typiques, on y voit par exemple rarement la mer (sauf dans la dernière superbe image de la saison 6), on évite les lieux célèbres : aucune référence à Hollywood, Venice,  Santa Monica… à la place on parle de Valencia, Inglewood…

    Le Los Angeles de 24...pas vraiment de vues typiques !

     

     

     

     

    Si on aperçoit quelques palmiers et des gratte ciel dans le lointain, Jack Bauer évolue dans un monde d’entrepôts, d’autoroutes, de banlieues impersonnelles : on pourrait être n’importe où. LA symbolise la ville américaine, mais aussi n’importe quelle ville occidentale. Les terroristes n’attaquent donc pas seulement les Etats-Unis mais le monde occidental. Ce côté universel, explique sans doute le succès mondial de la série.

     

    Changement de décor avec  les saisons 7 et 8 : on y voit certes plus de symboles des Etats-Unis : la Maison Blanche, le Capitole, mais la majeure partie de l’action continue d’avoir pour décor les mêmes entrepôts glauques, rues et bâtiments anonymes. De New York, on ne verra que le bâtiment de verre de l’ONU, et toujours la même vue des gratte-ciel de l’East Side de Manhattan. Le poignant « serie finale » se situe sous le pont de Williamsburg, pas vraiment un lieu très connu de la Grosse Pomme.

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     Le Londres de 24 LAD est tout aussi impersonnel, quelques boites aux lettres rouges...et toujours les mêmes entrepôts.

    L’Amérique (et le RU) de 24 heures chrono ce sont 3 villes, surtout LA, qui sont des villes abstraites. Les Etats-Unis comme raccourci de l’Occident…un Occident attaqué de toute part .

    On est là dans la célèbre théorie  du « Choc des civilisations » élaborée par Samuel Huntington, professeur à Harvard, à  la fin des années 90 : la fin de l’affrontement Est/Ouest a débouché, selon lui,  sur un conflit entre civilisations, essentiellement « la civilisation occidentale » (Etats-Unis, Europe de l’Ouest, Canada) contre « la menace musulmane ou chinoise ».

     

    Or c’est bien ce monde que décrit 24, mais de façon assez schématique.

    Les Etats Unis représentent en effet à eux seuls le monde occidental. Il n’est jamais question de leurs alliés, sauf quelques allusions aux anglais : en saison 2, on apprend qu’ils sont prêts à entrer en guerre auprès des américains, en saison 3 le MI6 aide Jack Bauer, et en saison 8, la présidente Taylor confie ses problèmes à un diplomate britannique.

    Dans 24 LAD, qui se situe en Grande Bretagne, le 1° ministre, après quelques velléités d'opposition, laisse la CIA, des russes et des islamistes se dézinguer tranquillement dans les rues de Londres.

    Les autres  alliés européens sont ignorés (en saison 5 on précise que les services secrets allemands ne collaborent pas avec leurs confrères américains) De même qu’Israël et le Canada. Quant au Mexique, les américains y agissent comme chez eux !! En saison 3 leurs troupes interviennent en plein territoire mexicain sans  aucune référence au gouvernent ou aux lois de ce pays. Ce qui reflète bien l’opinion américaine sur leur voisin du sud!!

    Les ennemis eux, se divisent en 2 catégories : ceux dont on ne prononce jamais le nom (genre Voldemor smile ) ou alors les auteurs en invente un (le Kamistan de la saison 8), et ceux qui sont clairement cités : la Russie et la Chine.

    L’ennemi principal, 11 septembre oblige, vient du Moyen Orient, mais aucun pays réel n’est jamais nommé : dans la 2° partie de la saison 2 Bauer tente d’empêcher une guerre contre le… "Moyen Orient" ! C’est encore une idée de Huntington : le Moyen Orient est présenté comme un ensemble indifférencié uni par la religion musulmane s’opposant à l’Occident.

    Mais 24 évite la caricature puisque la série montre des musulmans patriotes aidant Jack Bauer, qui d’ailleurs se confesse à un Imam en fin de saison 7.

    Pour la saison 8, les auteurs ont inventé un pays : la République Islamiste du Kamistan, un Iran à peine déguisé.

    Beaucoup plus difficile à identifier le Sangala, pays d’Afrique…francophone, d’où sont originaires les ennemis du début de la saison 7.

    Live-Another-24-Small

    La Russie de 24 est quant à elle un cas à part. Clairement citée, elle est un pays puissant dont les américains recherchent l’alliance (S5, S6 et début S8) mais aussi un ennemi dangereux disputant aux Etats-Unis leur influence au…Moyen Orient (saison 8).  On joue là sur les vieilles (ou renouvelées ?) peurs de la Guerre Froide.

     

    Le président russe, présenté comme un dirigeant intègre en saison 5 et 6, n’hésite pas en saison 8 à aider les terroristes à attaquer New York.  Montrer le président d’un Etat réel, la Russie, comme un traitre et un assassin semble moins gêner les auteurs  que de dire que des iraniens veulent raser New York !!!

    Et pour finir, dans 24 LAD, ils réussissent à manipuler le chef de cabinet du président américain, ainsi que tous les terroristes de la saison !

     

     

     

    Mais l’ennemi le plus implacable c’est la Chine, pas de nuances là.

    Si 24 heures chrono présente des « moyen orientaux musulmans » fanatiques et d’autres prêts à risquer leur vie pour sauver l’Amérique, si les russes sont tantôt hostiles tantôt alliés, les chinois sont unanimement montrer comme d’odieux méchants. Ils refusent d’aider les Etats-Unis (saison 4) Mais surtout, ils enlèvent le héros et le torture pendant des mois, et comble de l’horreur, ils torturent la douce et innocente Audrey qui (saison 6) et finissent par la tuer (24 LAD)

    Finalement 24 heures chrono reflète la géopolitique des peurs américaines : un Moyen Orient présenté comme un ensemble indifférencié car méconnu donc encore plus menaçant, une Russie jadis alliée devenant de plus en plus une ennemie, une Europe quasi inexistante. Et une Chine désormais le pays le plus dangereux. De quoi alimenter  la paranoïa américaine dont 24 heures chrono est la fascinante représentation.


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  • (English translation below)

    C’est la critique récurrente !! 24 serait, comme l’a écrit le magazine Newsweek «le fantasme des conservateurs», une série de propagande de droite. 

     

    Le principal argument est l’utilisation de la torture par le héros et cela toujours pour une juste cause: Jack Bauer torture et obtient des infos qui permettent de sauver des milliers de vie. Pour beaucoup il s’agit donc d’une justification de la torture (voir l’article plus détaillé 24 et la torture ).

     

    Or après le 11/09, l’administration Bush propose d’utiliser des méthodes d’interrogation «poussées» , et le vice président Cheney précise qu’il faudra aller «du côté obscur» pour lutter contre le terrorisme. De là à penser que 24 popularise les choix de Bush il n’y a qu’un pas, vite franchi quand on connaît les idées de Joel Surnow.

     

    Robert Cochran, Kiefer, Joel Surnow

     

      http://i679.photobucket.com/albums/vv159/aspasie79/24inside.jpg

     

    En effet le co-créateur de 24 se qualifie lui même de «fanatique de droite» ami de Cheney et de Rush Limbaugh  (un des leaders actuels des Tea Party, groupe ultra conservateur). Pour lui, ne pas employer la torture quand des vies sont en jeu serait immoral. 

     

    D’autres soulignent que 24 décrit la lutte contre le terrorisme de la façon dont la voit l’administration Bush : une lutte sans merci pour la survie de l’Amérique attaquée par des islamistes fanatiques et sans cesse au bord de annihilation totale. Ce qui développerait la paranoïa des américains.

     

    Autre aspect de droite, l’ultranationalisme de la série qui met en valeur le sacrifice des individus pour la patrie.Dans la saison 3 un terroriste menace de répandre un virus mortel si on ne tue pas un agent haut placé, après réflexion, le président donne l’ordre à Jack de l’exécuter, ce qu’il fait sans protester ni hésiter. Comme l’a dit Kiefer Sutherland :«Jack Bauer agit avec une sorte de patriotisme aveugle»

     

    Dans la saison 4 on empêche Edgar, un agent très compétent, de sauver sa mère, car il est indispensable à son poste pour s’occuper de ses concitoyens en danger de mort.

     

    D’autant plus que ceux qui opposent à Bauer la loi et la morale, sont des personnages irresponsables ou corrompus. Dans la saison 4, Amnesty International est présentée comme une organisation qui gène ceux qui combattent le terrorisme, et dans Rédemption, l’ONU, comme incompétente.

     

    Ces arguments se tiennent…si on ne regarde qu’une partie de la série. En fait 24 est beaucoup plus nuancée sur la torture ( voir plus haut ) et sur la politique.

     

    24 a été la 1° série à présenter un président noir (et beaucoup pense que cela a influencé l’élection d’Obama).

    Pour comparer !

    24 heures chrono: une série de droite ?

     24 heures chrono: une série de droite ?

     

     

     

     

     

     

     

     

    David Palmer est un président non seulement noir, mais démocrate et presque parfait, son frère, bien que plus falot, est aussi un bon président.

    Les autres présidents de la série sont Logan, républicain WASP et sosie de Nixon qui se révèle un traître, et Taylor, une femme, double de Palmer dans la saison 7, mais qui tourne mal dans la 8. Donc, les 2 présidents noirs resteront les seuls honnêtes et compétents de la série.

    Mais surtout les auteurs se permettent de critiquer la politique de Bush…en temps réel : en 2003, dans la saison 2, Palmer est poussé par ses généraux à attaquer le Moyen Orient, or il refuse avant d’avoir des preuves formelles de leur complicité dans des attentats, c’est à dire, exactement le contraire de Bush, qui attaque l’Irak au moment où la série est diffusée !!

    Quant aux méchants, ils sont loin d’être tous des musulmans: Serbes, tchétchènes, mexicains, mais aussi souvent des hommes d’affaire américains. Dans la saison 2, ce sont des magnats du pétrole qui manipulent le groupe islamiste, dans la 5, c’est le président (blanc) lui même qui est derrière les attentats, dans la 7 c’est une armée privée américaine, copie de Blackwater (des mercenaires «loués» par Bush en Irak) qui menace le pays.

    Dans chaque saison des américains aident les terroristes pour de l’argent, alors que des musulmans aident Bauer (S2,4,6). Cela culmine dans la saison 7, où un pakistanais sauve, au péril de sa vie, des américains menacés par d’autres américains, et où Jack Bauer, se croyant mourant, se confesse…à un Imam, ce qui a fait hurler les conservateurs ! 

    24 heures chrono: une série de droite ?

    Dans cette même saison, les critiques des méthodes musclées de Jack viennent de personnages aussi patriotes et compétents que lui (Renée, Larry..). Et dans les saisons 7 et 8, Jack se bat moins pour son pays que pour aider ceux qu’il aime (Almeida, Renée) Son combat est devenu plus personnel que politique.

    Pour Kiefer Sutherland, lui même très à gauche, la série a été politisée par la droite et la gauche. En fait si 24 n’était que de la propagande de droite, elle n’aurait certainement pas rencontrée un tel succès mondial. Les auteurs ont cherché avant tout la qualité et l’entertainment.

    Et l’ambiguïté politique de la série ajoute à son originalité, elle est en cela très différente des fictions d’espionnage habituelles avec leur cadre politique très vague. Mais 24 n’est pas apolitique, elle s’ancre dans une réalité politique bien précise, celle de l’Amérique traumatisée de l’après 11/09 et pendant 9 ans 24 sera le reflet en temps réel des contradictions et des évolutions de la politique américaine.

    voir aussi l'interview de Kiefer sur le sujet (traduite) Kiefer Sutherland et la politique dans 24

     

     

    JackBauer24

    English translation: Is 24 a right wing series ?

    This is the recurring criticism! 24 is, according to a lot of American magazines (The New Yorker for example), a right-wing propaganda series .

    The main argument is the use of torture by the hero: Jack Bauer tortures and gets information that save thousands of lives, so many sees a justification of torture.  
     
    After 11/09, the Bush administration proposed to use “extreme” interrogation methods and Vice President Cheney
    alluded vaguely to the fact that America must begin working through the “dark side to fight against terrorism. Many though that 24 was made to popularize this Bush’s choices, above all when you know the Joel Surnow’s poli tical ideas.

     

    Indeed, the 24 co-creator, jokingly called himself a “right-wing nut job,” is a friend of Cheney and Rush Limbaugh. For him not to use torture when lives are at stake would be immoral. http://www.newyorker.com/reporting/2007/02/19/070219fa_fact_mayer#ixzz1hqLFJYSz
     

    Others point out that “24” depicts the fight against Islamist extremism much as the Bush Administration has defined it: as an all-consuming struggle for America’s survival that demands the toughest of tactics. This would encourage the paranoia of the Americans.

    Another aspect of the right, ultra-nationalism ideas,  is the series highlights the sacrifice of individuals to a greatest good. In season 3, a terrorist would spread a deadly virus unless CTU kills a senior officer, the president orders Jack to kill him, what it does without protest or hesitation.
    As stated by Kiefer Sutherland, "Jack Bauer works with a sort of blind patriotism"

    Especially those who oppose the Bauer methods are irresponsible or corrupt characters. In season 4, a human-rights lawyer from a fictional organization called Amnesty Global is presented as helping a terrorist, and in 24 redemption, the United Nations man is a coward.

     These arguments are true but we had to look at the whole series. In fact 24 is much more nuanced on torture and politics.

    24 was the 1st series to present a black president (and many think
    he paved the way for Obama) President David Palmer is not only black, but Democrat and nearly perfect, his brother, although more wan, is also a good president.

     

    Other presidents of the series are Logan,  a WASP Republican and Nixon look-alike who proves to be a traitor, and Taylor, a woman, goes wrong in season 8. Thus, the two black presidents remain the only honest and competent in the whole series.

     

    But above all, the authors allow themselves to criticize the Bush policy ... in real time: in 2003, in Season 2, Palmer is pushed by his generals to attack the Middle East, yet he refuses before having the formal proof of their responsibility in a previous attack against the US, ie, exactly the opposite of Bush attacking Iraq as the same time the series is broadcast!


    As for the villains, they are far from being all Muslims: Serbs, Chechens, Mexican, but also American businessmen. In season 2, oil tycoons manipulate an Islamist group against the US, in season 5, the President himself is behind the attacks, in season 7 it’s a private US army, a copy of Blackwater, that threatens the country.

    In every season American help terrorists for money, while Muslims help Jack Bauer (S2,4,6,7). This culminates in season 7: Jack Bauer, dying, confesses to... an imam!!
     
    In the same season, the characters who critics Jack Bauer’s methods are just as patriotic (Renee, Larry ..) as him. And in seasons 7 and 8, Jack fights less for his country than to help those he loves (Almeida, Renee) His fight became more personal than political.

    For Kiefer Sutherland, himself a lefty, the series has been politicized by both the right and left. In fact, if 24 was only a right-wing propaganda show, it certainly would not have been such a worldwide success. The authors have sought above all quality and entertainment.

     

    And the political ambiguity of the series adds to its originality, it’s very different from this spy drama with their usual very vague policy framework. But 24 is not apolitical, it’s anchored in a very specific political reality, the post 09/11 traumatized America and 24 reflects for 9 years, real-time contradictions and changes in U.S. policy.


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  • Peu de fictions vont refléter aussi bien que la série 24 heures chrono, l'état d'esprit des américains après les attentats du 11 septembre.

    La série traite en effet directement de la lutte contre le terrorisme: l'agent fédéral Jack Bauer devant éviter les pires attentats contre les citoyens américains. La série est sombre, paranoïaque, violente, ne connait jamais de happy end mais va devenir, au cours de ses 9 ans de diffusion un phénomène culturel. Et son héros Jack Bauer est des personnages les plus iconiques de la TV.Or une grande partie de son immense popularité est  due au fait qu’il arrive au bon moment.

    http://i679.photobucket.com/albums/vv159/aspasie79/Jack-Bauer-24-36841_1024_768.jpg

     

    La 1° saison est diffusée 2 mois après le 11 septembre, dans un pays traumatisé car attaqué en son cœur pour la 1° fois. Ceux chargés de le protéger, CIA, FBI, ont failli. Quant aux ennemis, ils sont insaisissables :soit morts dans l’attentat, soit introuvables dans les montagnes afghanes. D’où un sentiment d’impuissance, de vulnérabilité, d’injustice.

    Jack Bauer va compenser tout cela, il va venger l’Amérique, car il fait son boulot, il est efficace. Il  règle rapidement les problèmes que le gouvernement américain lui, peine à résoudre. Avec lui, les méchants, quels qu’ils soient d’ailleurs, étrangers ou américains, sont punis et justice est rendue.

    Jack Bauer va donc devenir le symbole de la lutte contre le terrorisme. Alors que l’Amérique doute de sa puissance, Jack lui est toujours persuadé que ce qu’il fait est juste.

    Comme le précise Kiefer Sutherland, qui interprète Bauer avec une rare intensité: «dans un monde où les gens remettent beaucoup de choses en cause, leur idées politiques, leur façon de vivre, voilà quelqu’un qui sait qu’il peut faire des erreurs, mais qui est si persuadé que ses choix sont bons, qu’il s’y tient et agit».

    Le public  trouve donc en Jack le réconfort de voir un héros qui protège et sauve l’Amérique. Et il ne va pas être trop regardant sur ses méthodes. En effet pour Jack Bauer seul le résultat compte, "la fin justifie les moyens": il n'hésite donc pas à menacer, mentir... et torturer. Ceux qui pourraient  avoir des scrupules les ont oublié devant l'horreur des attentats.

    Quelques années auparavant, un héros qui torture, qui achève ses prisonniers, aurait été impensable sur une chaîne populaire (Fox TV c’est TF1 !) aussi impensable que le World Trade Center, orgueil de la puissance américaine, s’effondrant en quelques minutes !

    http://i679.photobucket.com/albums/vv159/aspasie79/miscell_88-1.jpg

    Les américains vont investir en Jack Bauer leurs peurs, leurs espoirs et leur mépris pour un gouvernement inefficace (qui aimerait bien d’ailleurs récupérer le personnage...). Car Jack se bat autant contre les terroristes que contre une administration incompétente ou corrompue.

    Il est, le plus souvent, seul contre tous et rejoint dans l’imaginaire américain le cow boy solitaire des westerns classiques (Ford, Daves…). Kiefer Sutherland le compare souvent à Shane (« l’homme des vallées perdues » de G.Stevens, un western très populaire aux Etats-Unis) un cavalier solitaire et las, habile au revolver, qui retrouve une famille, la défend, mais part à la fin.

     

    On peut aussi rapprocher Jack des flics bourrus comme l’inspecteur Harry, interprété par Clint Eastwood, qui lutte contre la pègre de San Francisco avec des méthodes aussi expéditives que celles de Jack.

    Jack Bauer est dans cette lignée, le nouvel héros de l’Amérique. Or chaque période a le héros qui lui ressemble. Jack est celui d’un monde où les limites sont devenus floues entre le Bien et le Mal, où l’ennemi est partout, et peut être n’importe qui (même le président !). Donc on lui pardonne sa violence, ses pires actes.

    D’autant plus qu’il n’hésite jamais à se sacrifier lui même, qu’il paie toujours le prix de ses choix ( c’est à cause de son boulot que sa femme a été tuée, que sa fille s’est éloignée, qu'il ne peut jamais avoir de vie amoureuse heureuse…).Tout cela le rend terriblement humain, et malgré son côté indestructible, le public peut s’identifier à lui plus facilement qu’à James Bond. Car Jack bauer semble évoluer dans un monde plus réel où les innocents se font tués régulièrement. Et s'il sauve l’Amérique, la fin de chaque saison (et de série) le montre toujours seul et désespéré. 

    Jack Bauer est le héros sombre d’une époque troublée.

    Le héros de notre temps.

    voir aussi Jack Bauer a tué Ben Laden

     

     


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  • 24 et la torture: vaste polémique...

     

    En effet la série montre de façon récurrente des scènes de torture physiques et morales. Mais la polémique a commencé en 2007 avec une série d’articles accusant ouvertement 24 de justifier et d’encourager la torture. Le plus connu est l’article du New Yorker "Whatever it takes" . On y apprend que des officiers de l’armée américaine se sont rendus sur le plateau de 24 pour se plaindre que les méthodes musclées de Jack Bauer influençaient leurs soldats.

     

    D’autre part une association de contrôle parental sur les programmes TV compta 67 scènes de torture dans les 5 1° saisons, soit une toutes les 2 heures...et lança une campagne contre la série.

    En fait, dans la saison 1 Jack Bauer menace de torturer mais ne le fait pas. Dans la saison 2, qui commence d’ailleurs par une scène de torture, il met en scène l’exécution du fils d’un terroriste pour le faire parler (E12) et se fait lui même torturer (E19), mais la saison 4, elle, offre un véritable festival : outre les terroristes, un agent de la CTU, le fils d’un ministre, un ado, le mari de la copine de Jack sont torturés mais s’avèrent soupçonner à tort.

    Saison 4: Jack torture tranquillou le mari de sa petite amie

     

    En fait ce n’est pas la représentation de la torture en soi qui pose problème, elle a été utilisée dans de nombreux films noirs ou d’espionnage, mais ce sont toujours des méchants qui l’utilisent et toujours à des fins mauvaises. Or, dans 24, c’est le héros qui torture (et une agence gouvernementale) et pour une bonne cause : sauver des innocents, grande nouveauté ! Comme le dit le doyen de West Point « le plus dérangeant c’est que même si Jack Bauer n’aime pas torturer, c’est toujours la chose la plus patriotique à faire »

     

    De part son format en temps réel, le principal ressort dramatique de la série est le « ticking time bomb » la bombe prête à exploser. L’idée (utilisée la 1° fois par le romancier français J. Larteguy) est simple et narrativement très efficace : vous arrêtez un terroriste qui a posé une bombe qui va exploser dans un laps de temps très court, il refuse de dire où, la vie de centaines d’innocents est en jeu, que faites vous ?

    Dans 24, 2 solutions : offrir l’immunité et de l’argent au terroriste ou le torturer. Le plus souvent c’est Jack qui s’en charge, le terroriste avoue et les vies sont sauvées. Donc la torture est justifiée puisqu’elle permet d’éviter la mort de civils innocents.

    D’autant plus que Jack n’est pas le seul à torturer, la CTU dispose de son «Monsieur Torture », un agent avec sa mallette remplie de seringues et de produits douloureux (saisons 3 à 6).

     

    Quant à Jack Bauer il justifie ainsi ses actes dans la saison 4 : à un avocat qui veut empêcher son client d’être « interrogé » et qui invoque la constitution, Jack répond « je ne veux pas outrepasser la constitution, mais ce sont des circonstances exceptionnelles » (E18)

    Donc à nouveau, dans certaines circonstances « exceptionnelles » la torture est justifiée. De là la polémique.

    Aux Etats-Unis, philosophes, juristes, hommes politiques s’emparent de 24 pour applaudir ou dénoncer les méthodes brutales de Jack Bauer. Il faut dire que les scandales de Guantanamo et Abu Ghraib ont rendu le sujet encore plus sensible et habilement, les auteurs vont mettre en scène ce débat dans le 1° épisode de la saison 7. Jack doit répondre de ses actes devant une commission sénatoriale :

     

    Alors 24, un show pro torture ?

     

    Je dirais que 24 ne justifie pas plus la torture que Le Parrain ne justifie la mafia.

    La torture dans 24 est employée pour dramatiser, intensifier les situations, mais surtout pour faire de Jack Bauer un héros tragique et sombre, déchiré entre les vies qu’il doit sauver et les actes extrêmes qu’il doit commettre pour y parvenir.

    Or quoi de plus extrême que la torture pour un personnage présenté comme intègre et humain ? D’ailleurs on ne le montrer jamais fier ou détaché de ses actes, au contraire. A un Imam (sic) qui lui demande s’il arrive à se pardonner, il répond « il y a longtemps que j’y ai renoncé » (saison 7).

    Stephen King, un fan de 24, remarque que « le visage de Jack, de plus en plus hagard, suggère que les méthodes qu’il emploie le déshumanise » C’est cette complexité qui fait la qualité, et le succès du personnage.

    Saison 8 Jack torture Pavel: la plus violente scène de torture de la série, mais Pavel ne parle pas !

     

     

    D’autre part, 24 est une fiction irréaliste.  Les situations sont totalement invraisemblables : les Etats-Unis sont décrit comme une république bananière où coups d’état, assassinats de présidents se succèdent, exemple dans la saison 7, une dizaine de terroristes s’empare de la Maison Blanche en creusant un gros trou en dessous !!!

    Ce qui diminue la portée de la violence, un peu comme dans un film d’horreur où on regarde les pires scènes gore de façon détachée.

    De plus dans les dernières saisons, de plus en plus de personnages critiquent les méthodes brutales de Jack Bauer et, dans l’ultime saison la torture ne marche pas !

    En fait ce qui est réaliste dans 24 c’est de montrer que lorsqu’on fait la guerre, on se salit les mains, même si on est  du bon côté, qu’il n’existe pas de guerre propre ni de héros purs, 24 est le reflet de l’horreur de la guerre, pas sa justification.

    Pour finir, 24 a permis à de nombreux spectateurs, tout en se divertissant, de réfléchir à un problème grave (En France, il aura fallu 40 ans pour évoquer dans un film grand public la torture en Algérie) et d’exprimer librement leur points de vue, ce qui est un élément essentiel d’une démocratie.

     

    Voir aussi la vidéo interview traduite:Kiefer Sutherland et la torture

    English Translation

     

     

    24 and torture ... huge controversy ...
     
    Indeed the series repeatedly shows scenes of physical and mental torture. But the controversy began in 2007 with a series of articles accusing 24 to justify torture. The best known is the New Yorker article "Whatever It Takes" We learned that major West Point and FBI officers went on the 24 set to complain the  
    Jack Bauer's harsh methods  influenced their soldiers.

    On the other hand a  parental control on TV programs association counted 67 scenes of torture in the first 5 seasons, one every 2 hours and launched a campaign against the series.

    So is 24 “a torture show” ?

     

     

    In Season 1 Jack Bauer threatens to torture but does not. In season 2, which begins with a scene of torture, he orders the execution of a terrorist’s son to make him talk (E12) and he’s tortured by villains (E19), but the 4th season offers a torture festival: as well as the terrorists, a CTU agent, the minister of defense’s son, a teenager, the Jack’s girlfriend’s husband, all are tortured but all are wrong suspects.

     

     

     

    Actually the problem is not the representation of torture itself, it has been used in many films noirs or espionage, but they are always used by the bad guys and always for evil meanings.

    In 24, it’s the hero who tortures (and a government agency) and for a good cause: to save innocent people. As the dean of West Point said "the most disturbing is even if Jack Bauer does not like torture, it’s always the most patriotic thing to do"

    Due to its format in real time, the main plot of the series is the "ticking time bomb" :a bomb waiting to explode. The idea (the 1st time used by the French novelist J. Larteguy) is narratively simple and very effective: you stop a terrorist who planted a bomb that will explode in a very short time, he refuses to talk, the live of hundreds of innocent people is at stake, what do you do?

    In 24, two solutions: to provide immunity and money to the terrorist or torture him. In most cases Jack tortures the terrorist who spills the beans and lives are saved.  

     

     

    So torture is justified because it avoids the deaths of innocent civilians. And Jack is not alone to torture, the CTU has its "Mr. Torture", an agent with his briefcase full of needles and pain products (seasons 3-6).

     

     

    Jack Bauer justifies his actions in season 4 to a lawyer who wants to prevent his client from being "interrogated" and invokes the Constitution, Jack replies, "I don’t want to bypass the constitution, but these are exceptional circumstances "(E18) So again, in certain "exceptional "circumstances, torture is justified.  

     

     

      In the U.S., philosophers, lawyers, politicians seize 24 to applaud or condemn the Jack Bauer’s brutal but efficient methods. The scandals of Guantanamo and Abu Ghraib have made the issue even more sensitive and skillfully, the writers stage this debate in the season 7, 1st episode: Jack must answer for his actions before a Senate committee. (see extract above)

     

     

    So is 24 justifying torture ?

     


    I would say that 24 does not justify torture...no more than The Godfather is a justification for the Mafia.  

     

     

    Torture in 24 is a dramatic device, used to make Jack Bauer a tragic and dark hero, torn between the lifes he had to save and the extreme acts he must commit to achieve it. And what could be more extreme than torture for a character portrayed as honest and human?  

     

     

    Actually Jack is never portrayed as proud or detached from his actions. In an Imam who asked him if he can forgive himself, he says: “I gave up on that a long time ago”. (season 7). Stephen King, a 24 fan , notes that "Jack's face, more and more haggard, suggests that the methods he uses dehumanize him" It’s this complexity that makes the quality and success of the Jack Bauer character. 

     

    On the other hand, 24 is an unrealistic fiction that often jumps the shark. The United States is described as a banana republic with multiple coups, assassinations of presidents, in season seven, for example, ten terrorists seized the White House by digging a large hole below !!

     

    24 is a little like a horror movie where you look in a detached way, at the worst gore scenes.   
    And in last seasons, more and more people are critical of Jack Bauer’s brutal methods, and in the final season, torture does not work.

     

     
    In fact what is realistic in 24 is to show that the war it’s getting its hands dirty, even if we are on the right side, there is no clean war, nor pure heroes: 24 is a reflection of the horror of war not a justification.

     

    Finally, 24 allowed many viewers, while entertaining, to think about a serious problem (In France, it took 40 years to evoke torture in Algeria in a movie !) and to freely express their points of view, which is an essential element of democracy.

     


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